Huiban
Isabelle, Mon Cahier Steiner Waldorf.
Activités créatives au fil des saisons, Nathan, 2017, 90 p. 13€90
Le secteur éditorial de la
jeunesse suit les évolutions du corps social en matière éducative, perpétuant
ainsi le lien entre didactisme et littérature. Il est intéressant de noter
qu’après la pédagogie de Montessori c’est celle de Steiner 1861-1925) qui est
mise en avant.
Or, dans les deux cas, il s’agit
de pédagogues qui, l’une était une pratiquante catholique et l’autre le
fondateur d’un spiritualisme tournant chez certains de ses disciples au
mysticisme : l’anthroposophie, variante de la théosophie, qui guide
« le spirituel en l’être humain vers
le spirituel dans l’univers » car « il existe derrière le monde sensible, un monde invisible, un monde
inaccessible aux sens et à la pensée qu’ils informent, et qu’il est possible à
l’homme, par le développement de ses capacités potentielles, de pénétrer dans
ce monde caché » écrivait Steiner.
Dans les deux cas, aussi, il
s’agit de pratiques pédagogiques qui se sont inscrites avec efficience pour
Montessori, marginalement pour Steiner, dans le courant de la pédagogie
nouvelle du début du vingtième siècle jusqu’à nos jours. Pour Steiner, c’est la
révolution allemande des années 1918/1919 qui a permis la concrétisation des
conceptions éducatives, à travers L’école
libre de Waldorf, à Stuttgart. Inaugurée le 7/09/1919, elle dispensait un
enseignement primaire et secondaire, dans un cadre de mixité, à 256 enfants
d’ouvriers du quartier. Le lien avec la pédagogie nouvelle est établi par
l’intérêt pour la vie collective, l’expérience communautaire, et pour le
développement propre de chaque individu à partir de l’épanouissement des sens.
Le programme est déterminé en fonction de l’évolution de chaque enfant et tend
à un enseignement polytechnique, avec une équipe éducative conçue sans
direction. Enfin, les parents sont intensément sollicités par la vie de
l’établissement.
L’ouvrage Mon Cahier (…) reprend des
thèmes de la pédagogie Steiner : activités pour nourrir les sens, jeux
libres et créatifs, expériences artistiques et artisanales, rôle de
l’imitation, l’ensemble réparti sur toute une année civile, pour des enfants
jusqu’à 7 ans. C’est donc l’expérience des jardins d’enfants de la pédagogie
Steiner qui est sollicitée, principalement. Comme pour les divers ouvrages
montessoriens en éditions de jeunesse, nous dirons qu’il s’agit d’un produit
dérivé sans attache à une vie de classe, sans attache avec une expérience
communautaire où les principes mêmes de ces activités prendraient tout leur
sens. On peut parler de produits dérivés voués au seul marché parascolaire.
Filliozat,
Isabelle, Riefolo Violène, Rojzman Chantal, Les Cahiers Filliozat, la
confiance en soi, illustrations d’Amandine Laprun, Nathan, 2017, 96 p. + 24 p. 12€90
Quatre « dimensions » servent d’approche de
la confiance en soi. Elles correspondent peu ou prou à des phases du
développement de l’enfant, sachant, bien sûr que chaque individu rejoue, selon
les circonstances, ces phases face à un problème, face à une difficulté pour la
surmonter. Ces quatre dimensions sont les suivantes : la confiance de base
(0/18 mois, phase de la sécurité intérieure, je suis aimé, j’ai tout pouvoir sur le monde) la confiance en sa
personne propre (étudiée en particulier sur les enfants de 18 mois à 2 ans, je sais ce que je veux), la confiance
en ses capacités ou phase dite du tout
seul en psychologie du développement (2/3 ans : je sais ce que je peux), la confiance relationnelle ou sociale (7
ans et au-delà, je peux contribuer à).
La confiance en soi est déterminée par la conjugaison de ces quatre dimensions
et c’est ce que les autrices nomment « la
confiance en la vie et en son devenir ».
Le cahier est conçu, pour les
parents, comme un médiateur entre eux et leur enfant. Pour l’enfant il permet
de mieux se connaître et ainsi de mieux cultiver sa singularité. Il peut être
vu, aussi, comme une manière de journal intime guidé et réflexif. Le cahier met
aussi en avant le temps, la durée comme une composante de la relation humaine
adulte-enfant. Il fait comprendre que l’erreur est une nécessité, que la
critique de la production (dessin ou
autre) de l’enfant est un gage de prise en compte réelle de sa personnalité. Le
cahier souligne enfin que la question de la confiance en soi ne relève pas d’un
innéisme mais d’une construction au cours des échanges avec les autres mais
aussi avec soi. Un élément intéressant du cahier est qu’il met en relation la
perte de confiance avec l’attitude de soumission : « la perte de
confiance est la conséquence d’une soumission ». Du coup, la confiance en
soi quitte le domaine où on l’enferme à savoir un problème psychologique
pour devenir une question d’adaptation à une situation sociale. La confiance en
soi comme le défaut de confiance en soi est une conséquence non une cause. Et
pour agir sur cette conséquence, le cahier souligne l’importance de la
verbalisation des situations vécues.
McGuiness
Marion, La Magie du
bordel, Jungle, 2017, 128 p. 9€90
Avec ce livre, finie la
culpabilité d’être désordonné, de ne pas ranger ! Gloire « au bordel »,
Le bien être est dans le lâcher-prise, car tout peut devenir drôle, insolite,
inouï… les filles et les garçons, les enfants et les moins jeunes, les
adolescents et les adultes, c’est un livre pour tous, un livre réaliste qui met
à distance l’agencement méticuleux, le névrotique nettoyage, les obsessionnels
triage et classement ; qui cloue le bec aux accusations de comportement
régressif. L’auteure donne des raisons pour ne pas se maquiller le matin, ne
pas se coiffer, fait l’éloge de la procrastination, combat la collectionnite,
propose une orientation professionnelle vers les métiers du bordélisme, car, on
n’y prend pas garde, mais poser ses jeans sur les escaliers, faire du dessous
de lit le placard pluri-hebdomadaire de sa vie quotidienne, monter des tours
Eiffel de vaisselle crade dans l’évier, ne jamais faire son lit et ne jamais
ranger ses chaussures… c’est plus compliqué à vivre… qu’on ne croit. Et puis ça
développe certaines corticales qui sinon seraient laissées en jachère. La magie
du bordel contre la raison de l’ordre, c’est quasi un manuel politique de la
liberté à conquérir et « au revoir
tristesse » !
Philippe Geneste