Langlois Denis, La Politique expliquée aux enfants, SCUP éditions, 2017,
141 p. 7€
Denis Langlois
avait publié aux éditions ouvrières L’Injustice racontée aux enfants,
avec des illustrations de Françoise Boudignon, lorsque, en 1983, les éditions
Les Lettres Libres de Serge Livrozet publient La Politique
expliquée aux enfants. Denis Langlois est un pionnier de ces livres qui
notifient, par leur titre argumentaire, le lectorat de l’enfance. Bien des
années plus tard, le procédé servira de ligne éditoriale à des collections chez
divers éditeurs. C’est ce livre et ses dessins de Plantu, augmenté d’extraits
de la convention internationale des droits de l’enfant (signée à New York en 1990)
que reprend l’édition SCUP en lien direct avec le site la-politique-expliquée-aux-enfants.fr.
Voici comment Denis Langlois nous a explicité la réédition : « SCUP est en fait un ami libraire, Michel
Lebailly, qui a décidé de se lancer dans l'édition. Militant pacifiste et écologiste, journaliste associatif, il a
tenu une librairie à Paris, aujourd'hui une en Normandie, à Caudebec-en-Caux.
Ayant une formation d'informaticien, il crée aussi des sites d'auteurs sur
Internet. Il a notamment réalisé mon site personnel et un site pour le livre
"Pour en finir avec l'affaire Seznec". Satisfait de ce dernier qui
m'a permis de nombreux contacts avec des lecteurs et plus généralement des
personnes intéressées par l'affaire Seznec, je lui ai demandé de créer un site
consacré à "La Politique
expliquée aux enfants" où je voulais publier intégralement et gratuitement
le texte actualisé et les illustrations de Plantu. C'est ce qu'il a fait, mais
il a trouvé dommage qu'il n'y ait pas un livre-papier correspondant à un prix
"démocratique". Voilà pourquoi tu as ce livre entre les mains. C'est
un pari que nous tentons. Les éditeurs font généralement le contraire : ils
éditent un livre-papier, puis en proposent une version numérique un peu moins
chère. Notre démarche militante est différente ».
En cette période
électorale, l’ouvrage possède une pertinence certaine. Toute identification à
une personne est une propédeutique au développement du pouvoir coercitif.
Croire que le prestige de la loi s’explique par le prestige de la personne de
qui nous la tenons relève en effet de la personnalisation du pouvoir.
C’est une
désintoxication au commandement dont les êtres humains ont véritablement besoin
pour se dresser en travers des volontés de puissance et de guerre. Toute guerre
a pour racine la volonté de la domination, de l’accaparement de territoires ou
de richesses, bref, toute guerre est intimement liée au désir de possession
donc, aussi, à la propriété : « on
se bat encore pour l’honneur, pour la gloire, pour le drapeau, pour la patrie,
pour la religion. Parce qu’on se croit supérieur aux autres, parce qu’on ne
supporte pas qu’ils soient différents de nous, parce qu’on souhaite les dominer ».
La hiérarchisation des êtres se lit dans la hiérarchisation des fonctions
sociales, des métiers, des salaires, des langages. La hiérarchisation c’est le
révélateur légitimant de l’injustice. Elle fonde la compétition dont l’économie
et le sport sont les deux propagandistes les plus acharnés. Contre la tyrannie
de l’opinion dominante érigée en vérité, le principe à appliquer c’est de faire
ce que l’on dit et de dire ce que l’on fait, le principe n’étant réel que si
les deux orientations, celle du dire au faire et celle du faire au dire, sont
effectivement présentes dans nos actions.
Le livre est
porté par l’espoir que change « la manière
dont les hommes vivent sur la
Terre ». La vie en proximité, est évoquée, en ce
qu’elle pourrait permettre à chacun et chacune de coopérer, hors toute hiérarchie
des tâches, à la vie sociale et au combat contre les inégalités et les
aspirants et aspirantes hiérarques. Pour autant, cet espoir ne peut trouver
ancrage que s’il englobe la dimension internationale, car « aussi longtemps que ceux qui ont eu la
chance de naître dans les pays riches se considéreront comme supérieurs, aucun
progrès ne sera possible ».
Ce livre est un
chef d’œuvre en ce qu’il parle vraiment aux enfants, qu’il leur est accessible
et ne verse jamais dans la mièvrerie ou les bons sentiments qui nuisent à tant
d’ouvrages de la bien-pensance pour la jeunesse. De plus, il met en pratique
une définition magnifique de la lecture : « En fait, ce ne sont pas les livres qui sont importants. Mais ce qu’on
pense, ce qu’on rêve, ce qu’on fait après les avoir lus ».
Philippe
Geneste