Anachroniques

28/03/2016

Une figure de l’étranger dans le conte

Kochka Le Joueur de flûte de Hamelin, d’après les frères Grimm, illustrations d’Aline Bureau, Père Castor/Flammarion, 2015, 32 p. 13€50
L’humanité adulte est si avare, le profit est tant sa motivation d’existence que les villageois d’Hamelin ont éradiqué tous les chats de Hamelin. Le village est désormais en proie aux rats qui prolifèrent, mangent les récoltes et les réserves de blé. Survient un être joyeux, un musicien, perché sur un arbre. Il propose au maire de débarrasser le village des rats contre mille écus d’or. Marché conclu. L’homme prit sa flûte et, ensorcela les rats qu’il amena se noyer dans la rivière. Sa mission accomplit, le joueur de flûte vint en chercher le prix. Mais les grippe-sous le répudièrent. De rage et pour se venger, il prit sa flûte et rassembla tous les enfants du village qu’il entraîna au cœur d’une montagne qui se ferma après leur passage. L’interprétation de la légende par Kochka et Bureau est heureuse et laisse entendre que les enfants vivent heureux avec le joueur de flûte, donc dans l’ensorcellement. Le texte original est plus cru puisque les enfants, comme les rats, se noient à la rivière. Nous y reviendrons.
En revanche, Kochka respecte la légende qui met en relation l’animalité et l’enfance. L’enfant serait pour la filiation de la société humaine ce que sont les animaux dans la filiation des êtres humains. Pierre Péju y voit une trace de la « tendance archaïque à fantasmer les enfants comme des animaux qui grouillent (…) incapables de considérations réalistes ou rationnelles », « Les gosses comme les rats : voilà ce que révèle la flûte enchantée » (1). Mais alors, la légende par laquelle l’humanité n’est saisie que dans son animalité, voudrait-elle signifier que l’avarice est une prédation qui pousse à l’irrationalité puisque les adultes perdent leur progéniture, donc se perdent en tant que groupe, qu’espèce animale ? Cette légende cruelle est-elle une allégorie sociale ? Le joueur de flûte, comme le dieu Pan, rétablit ordre et bonheur, chasse le mal du village : les rats ; et pourtant, il est à son tour chassé et se mue, dès lors, en être malfaisant. La question de la bonté ou de la méchanceté ne serait donc que relative à l’ordre social et aux relations sociales. Le maire trahit sa propre parole ; le joueur de flûte est récusé par les villageois, qui se rient de sa naïveté. Pourquoi ? Parce qu’il est étranger au village et qu’on ne paie pas l’étranger, qu’on le nie en tant qu’humain. La vengeance du joueur de flûte consiste alors à retourner aux villageois la négation de son humanité. On reste dans une thématique revancharde. Et, en effet, le joueur se venge par l’anéantissement de la progéniture des enfants. Il les entraîne à la mort, vouant le village à une extinction future.
On l’a vu, Kochka refuse cette fin, pour lui préférer un dénouement euphorique. Ainsi, avec Bureau, ils refusent d’assumer la pédophobie propre à nombre de contes, ce qui est aussi une manière de masquer l’inégal traitement de la jeunesse dans le monde d’aujourd’hui : adulée en occident et pour autant sujette à l’exploitation mercantile du juvénilisme ou jeunisme, mais aussi oubli de la jeunesse qui marne comme esclave dans de nombreux autres pays. L’auteur et l’illustratrice choisissent de monter en parallèle, au cœur de la montagne, un monde innocent, débarrassé de l’avarice et de la traîtrise. Mais, de ce monde, ils ne montrent rien. Il y a, ici, une ambigüité de leur interprétation. Ils veulent sauver l’image de l’enfant en l’arrachant à l’animalité autant qu’à la perversité humaine, tout autant qu’ils donnent une interprétation humaniste insatisfaisante du conflit social autour de la figure de l’étranger. Mais, alors, ne leur aurait-il pas fallu s’enhardir à dépasser l’adaptation vers la constitution d’une suite ?
Philippe Geneste

(1) Pierre Péju, Enfance obscure, Paris, Gallimard, collection Haute enfance, 2011, 375 p. – p.90 et p.91. 

20/03/2016

« je suis un artiste et je recherche ma liberté » (Ashraf Fayad)

La poésie est une ouverture aux imaginaires, ce pourquoi elle est combattue par les régimes dictatoriaux de par le monde. Ainsi, le 17 novembre 2015, le poète d’origine palestinienne, Ashraf Fayad, a été condamné à mort par le régime saoudien, allié de la France dans les guerres du Moyen Orient. Il est condamné, entre autres choses, parce que ses écrits, selon les dictateurs, corrompent la jeunesse par leur athéisme. Penser, c’est corrompre… Pense enfance ! Pense en poésie !

Cagnard Dominique, La Petite Princesse Météore, illustrations de Yann Voracek, édition la renverse, 2016, 66 p. 14€50
Dans la très belle collection Deux choses lune, dont les tomes sont toujours prêts à sortir du rayon, Dominique Cagnard propose au lectorat de suivre une petite princesse météore. La poésie est rapport au cosmos, semble nous dire le titre. Mais traversant le sommeil des enfants, la poésie est aussi géographie mentale, géographie des rêves. Comme les dessins de Voracek l’indiquent, les mots demandent à ce qu’on en tire les fils pour tisser leurs enchaînements qui font poèmes. Tout le recueil est un éloge des correspondances dans lesquelles l’enfance saisit le monde, les êtres et les choses. Tout est sens pour l’enfant et l’inanité n’a aucune prise en ce sol. Les éléments naturels, la forêt et les feuilles, les étoiles et les arbres, la pluie et la neige, l’araignée et le papillon, dominent le recueil. L’enfant, la petite fille s’y perd pour s’émerveiller, comme toutes ces petites filles des contes qui s’affranchissent des interdits parentaux pour se glisser hors de la maison. C’est alors que peut s’esquisser le champ de liberté dont la poésie offre le texte, la voix pour le sillonner.
Dominique Cagnard, épaulée par le dessin en lignes de Yann Voracek, invitent le jeune lectorat à faire du tricot poétique, insistant, ainsi, sur l’acte matériel de manipulation des mots, de leurs transformations, modifications, permutations, déplacements.
Ce recueil aurait pu être titré la chrysalide du bonheur tant la richesse évocatrice des vers donne corps à la vie aérienne et scripturale des mots : « tisser sa toile d’arc-en-ciel / devenir une étoile d’araignée » pour éclairer son chemin. Souvent à proximité de l’aphorisme, tentée par la forme brève, Dominique Cagnard vise à abolir les distance « entre les feuilles / et les oiseaux », entre les arbres qui « sont les poèmes / que la terre écrit / sur les pages du ciel ».

Dejaeger Eric & Sarah, Poèmes mignons pour petits capons, éditions Les Carnets du Dessert de lune, 2016, 30 p. 8€ ; Dupré, Olga, Léon le girafon, Les Carnets du Dessert de lune, 2016, 30 p. 8€
Ce second ouvrage est un dialogue entre une maman et son bébé girafon, qui grandit trop pour être encore considéré comme un bébé. A travers leurs échanges pointe l’humour comme racine de la poésie pour l’enfant. On sait que c’est la thèse de Jean-Charles Llinares (1) que l’humour est constitutif de la définition du genre poétique. Ce livre d’Olga Dupré semble prouver cette thèse. Les dessins et peintures qui accompagnent le texte renforcent cette nature du livre.
Le premier ouvrage est fort différent et tout aussi ancré dans l’humour pour s’adresser au jeune lectorat. Eric Dejaeger, à qui on doit les textes, joue avec le quotidien des enfants et de la vie pour faire entrer le merveilleux par la sensibilité. Pour ce faire, il a choisi d’écrire des quatrains en vers pentasyllabiques. Jeu du pair et de l’impair, bascule incessante qui invite le rire. Les jeux sonores, assonances, allitérations, paronymies sont autant d’offrandes aux enfants écoutant ou lisant. Les dessins en couleurs de Sarah Dejaeger accompagnent, de leur tonalité naïve et enfantine, le sourire permanent qui irrigue le recueil.
On parle souvent de poésie pour les enfants, sans trop savoir s’il existe une poésie très spéciale. S’il en existait une, alors ces deux volumes seraient sur ces rayons car ils sont une invitation faite aux enfants à aimer les mots et à les écorner par leurs propres inventions.
(1) Llinares, Jean-Charles, Paul Eluard, l’humour la poésie, L’Harmattan, 2014, 176 p. 17€ p. 31

Eluard Paul, Liberté, illustrations Anouck Boirobert et Louis Rigaud, Père Castor – Flammarion, 2012, 42 p., 15€
L’interprétation graphique du poème d’Eluard a été imaginée par Anouck Boirobert et Louis Rigaud. Elle succède à l’interprétation picturale de Claude Goiran, parue dans la même collection en 1997. Boirobert  et Rigaud ont conçu un livre accordéon. Page après page, s’enchaînent ainsi, par de délicats jeux de découpes, les strophes. Peu à peu l’horizon du poème s’élargit comme un écho au présent de la liberté chantée. Les illustrateurs mettent ainsi leur pas dans ceux des travaux typographiques fabuleux de Guy-Lévis Mano (édition de 1945), du dépliant illustré de Léger chez Seghers (1953).
Le poème d’Eluard est un poème de circonstance. Il parut en mai 1942, dans Poésie et vérité, aux éditions de la Main bleue de Noël Arnaud. Plus tard, largué par la R.A.F. sur toute la France, il fut interprété comme un poème contre la soumission (rôle majeur des épithètes sur le nu, le fade etc.) contre l’oppression de l’occupant et un manifeste pour le retour à la liberté d’expression comme « Raison d’écrire » y revient dans Le Rendez-vous allemand.
Eluard disait que c’est par les circonstances que « l’homme fait un pas vers la vie » (1), que « la poésie aime mieux montrer le but que les moyens » (2). Il pensait que la poésie de circonstance pouvait le mieux tendre « un miroir  fidèle aux autres hommes. Elle répond alors à ce que Maïakovski nommait “la commande sociale” par opposition à la commande de hasard non avenue, non transmissible » (3). Mais pour que la poésie opère, il faut que « la circonstance extérieure [coïncide] avec la circonstance intérieure comme si le poète lui-même l’avait produite » (4). Et c’est bien ce que Liberté offre et qui en assuré en partie le succès pour la postérité.
En effet, au départ, ce poème exprime l’amour intérieur. Il chante la femme aimée et porte pour titre initial Une seule pensée. Mais, « le poids du monde dans l’homme » (5) a fait substituer le mot Liberté à celui de la femme en clôture pour revenir en titre nouveau du poème. Le texte est alors devenu le poème de l’amour de la Liberté en tant que nom propre, en tant que figure amante de tous les hommes, de toutes les femmes. Le poème est né de l’alliance de la sensibilité du poète et de la pesanteur du monde. Il en est résulté un appel quelque peu messianique à la transformation du monde. : « Parce que [le] sentiment révolutionnaire se fonde sur la solidarité humaine, il peut et doit avoir un contenu poétique aussi dense que le sentiment amoureux, autre expression de la lutte pour la vie » (6).
Geneste Philippe
(1)Paul Eluard Œuvres complètes, tome 2, édition établie par Marcelle Dumas et Lucien Scheler, Paris, Gallimard, bibliothèque de La Pléiade, 1968, p.940 - (2) Ibid. p.941 - (3) Ibid. p.942 - (4) Ibid. p.942 - (5) Ibid. p.936 - (6) Ibid. p.937


13/03/2016

Nouvelles précaires

Belhocine Mustapha, Précaire ! Nouvelles édifiantes, Agone, 2016, 143 p. 9€50
Sept nouvelles composent ce volume à reliure cartonnée, de petit format réalisé à partir de logiciels libres et mis en page sous XeLaTeX. C’est une première preuve de liberté affirmée par la collection cent mille signes. Les nouvelles sont des tranches de vie d’un précaire et sont autobiographiques. Mustapha Belhocine est étudiant en sociologie, lorsqu’il commence à consigner ses expériences de travail. Il fait partie de ces étudiants qui doivent travailler pour payer leurs études et parfois, le travail professionnel éloigne l’aboutissement des diplômes commencés. L’auteur nous amène dans la salle des tests pour devenir agent d’escale dans un aéroport. Puis c’est un stage de formation « de quatre mois non rémunérée, en alternance, moitié en entreprise, moitié au centre de formation. Au bout de ces quatre mois, si vous faites vos preuves et que l’entreprise est satisfaite de vous, alors il y a un CDD puis un CDI à la clef » (p.28). Bien sûr, on peut se dire « quatre mois de formation, c’est pas un peu long pour de la manutention ? » (p.29). Mais déjà, poser la question c’est se griller pour l’embauche… L’exploitation des prolétaires est une vieille lune, le patronat et les agents de l’état qui le servent sont rôdés et savent trop bien que la misère, la nécessité de se procurer de l’argent pour vivre ou survivre, poussent à accepter l’inacceptable, comme ici, travailler gratuitement ! Pour d’autres emplois, c’est un tombereau de paperasses administratives qu’il faut photocopier et présenter en date et lieu précis. Les papiers, c’est le flicage en continu, la vérification d’identité sans cesse renouvelée, l’accoutumance à montrer patte blanche. Et il faut avoir des tunes pour toutes ces démarches, sans compter la possession d’un ordinateur pour consulter « bien sûr tous les jours ma messagerie : c’est normal, c’est moi le chômeur » (p.19).
On suit ensuite le narrateur, personnage dans un hangar d’emballage d’objets numériques. C’est un travail harassant : « Je ne pensais plus, je n’étais plus un être humain, je ne faisais qu’un avec la machine, j’étais la machine, je suis une machine, j’emballe les boîtes ! Le temps n’existe plus » (p.43).
Dans les magasins de luxe, l’hypocrisie des managers est plus criante. La surveillance est une menace permanente, à travers le « mystery shopper », « en fait un employé de la maison qui débarque dans le magasin, fait semblant d’acheter des produits puis envoie un rapport détaillé sur l’accueil qui lui a été réservé, rapport qui est ensuite utilisé dans les réunions avec les employés » (p.60). Précaire ou non, la discipline est la loi de l’ordre patronal. C’est là que le narrateur fait l’expérience d’une lutte collective, sans préavis de grève, sur le tas, par colère, par ras le bol. Mais la patronne retourne la situation, trop peu de préparation ayant eu raison de l’affirmation de la colère. Aucune trace de syndicalisme ici.
« Airtek » se passe dans une entreprise de nettoyage des moyens et longs courriers dans un aéroport. Voilà le narrateur agent de nettoyage à Roissy. C’et une nouvelle édifiante, menée avec rythme, qui dépeint excellemment les ravages des barrières corporatives et catégorielles qui divisent les personnels, avec les précaires en bout de chaîne comme réceptacle du mépris des personnels à statut.
Comble de l’absurde, le précaire est embauché en contrat à durée déterminée à Pôle emploi pour renseigner « réguler le flux » des chômeurs. En creux, se dessine l’avantage de l’informatique qui renvoie les travailleurs au chômage chez eux pour qu’ils et elles fassent les démarches à distance, désengorgeant les agences. Rendre le chômage invisible à défaut de le combattre, voilà la panacée de l’ordre bourgeois. « Demandeur d’emploi, ce n’est pas toucher des indemnités, c’est chercher activement un emploi, ça veut dire que c’est un travail à temps plein temps, monsieur, un travail… Quand vous êtes dans une entreprise, (…) quand vous allez en vacances, vous posez vos congés. Eh bien, chez nous, c’est pareil » (p.108), s’entend répondre un chômeur qui a raté un rendez-vous avec son conseiller ! Pôle emploi n’est pas un service public, « c’est une entreprise d’utilité publique » (p.115), une institution au « cœur du développement des inégalités » (p.114).
L’ultime récit du recueil pose la question du sentiment social de honte « sentiment récurrent quand on est dans la précarité » (p.133). L’argent, le mécanisme du crédit et donc de la vie virtuelle, la culpabilité sociale qui nappe l’ordre économique par des sentiments moraux, tout ceci la précarité le révèle au grand jour, dans la lumière crue de la vie au jour le jour. L’humain aliéné en marchandise qui se vend pour vivre, l’argent qui l’achète et cet argent capté par les mécanismes de l’achat à crédit, renvoie l’individu à sa condition d’individu esseulé. Voilà ce qui est édifiant, en particulier. Voilà sûrement la raison pour laquelle l’ouvrage s’achève sur le récit « Le quotidien du chômeur ».
Proche du courant de la littérature prolétarienne, courant occulté par l’histoire officielle de la littérature, nous ne pouvons que souhaiter que ce bref volume, fort bien édité, rejoigne les rayons de toutes les bibliothèques de lycées et d’universités, et qu’il atteigne aussi un large lectorat au-delà des cercles estudiantins.

Philippe Geneste

06/03/2016

Un album enchanté

Coran Pierre, La Flûte enchantée, illustré par Charlotte Gastaut, Père Castor-Flammarion, 2015, 32 p. 13€50
Voici l’adaptation sous forme de conte de l’opéra créé par Mozart. Les thématiques des apparences trompeuses, de la vérité et de la sincérité prises dans l’entrelacs des relations humaines dans un monde inégalitaire, sont bien présentes. Elles le sont grâce à l’histoire et à la fiction, et ne rentrent jamais par l’étouffante fenêtre du didactisme.
L’histoire d’amour est double, concernant Pamina et Tamino, princesse et prince, mais aussi l’oiseleur Papageno et la demoiselle Papagena.
La luxuriance de l’univers de Mozart repose sur les illustrations fouillées, détaillées, précieuses et symboliques de Charlotte Gastaut. Les figures sont stylisées, les décors abondamment présents avec moult motifs. Ces derniers sont tout aussi bien géométriques que leurs formes naïves. Ils sont appuyés par les répétitions de couleurs. Si la préciosité des détails abonde, elle sert une netteté du dessin. Les planches sont d’une architecture rigoureuse offrant à l’affrontement des couleurs un champ d’expression des oppositions des principaux personnages, notamment de la reine de la nuit, et du Maître du Bois sacré Sarastro. La gestuelle des personnages est travaillée avec inventivité. Papageno et Papagena dansent littéralement sur les planches. L’entrelacement des décors, du milieu et des personnages promeut un univers syncrétique, propice au conte, où la vie humaine et la vie des choses et de la nature fusionnent. Et ce, d’autant plus que, à l’image de la fresque antique ou du dessin moyenâgeux, il n’y a pas de profondeur dans l’illustration. Chaque page ou double page évitent de mesurer un parcours des personnages. Ceux-ci sont saisis dans une scène, point dans le récit qui porte à la scène. Ce parti pris fige le temps, intemporalise l’histoire.
L’itinéraire des personnages est conté, les repères spatiaux sont donnés par l’illustration, mais image après image, sans configuration générale de l’espace. La perception des lieux équivaut à celle d’un enfant : chaque lieu est le tout de l’espace, chaque instant, le tout de l’histoire, une histoire contée à merveille par Pierre Coran.
Ph. G.

Entretien avec Pierre Coran
Quelle a été la source pour l'écriture de cet album ?
Pierre Coran : En 2000, j'avais versifié "La Flûte enchantée" parue en album (aujourd'hui épuisé), à la Renaissance du Livre. Cet opéra, depuis longtemps, me parle par ses dits et ses non-dits.
Le défi que j'ai désiré relever fut de conter l'histoire à des enfants avec l'espoir que ceux-ci aient envie d'écouter Mozart, voire de se rendre à l'Opéra en famille et en curieux. Utopie positive !
Vous êtes un grand créateur de comptines. On vous retrouve, ici, sur un texte lié à une œuvre opératique donc aussi musicale. Est-ce que, pour certains passages, la musique a guidé votre écriture ?
Pierre Coran : Étant imprégné de musique, il est raisonnable de croire que celle de Mozart influença la musicalité de mon texte.
Qu'est-ce qui, dans La Flûte enchantée vous semble verser naturellement dans la littérature destinée à la jeunesse ?
Pierre Coran : La littérature de jeunesse, littérature à part entière, se doit, me semble-t-il, d'être une initiation non claironnée à la Beauté de l'esprit et du cœur.
Avez-vous travaillé en relation étroite avec l'illustratrice Charlotte Gastaut, ou bien avez-vous travaillé séparément ?
Pierre Coran : Charlotte Gastaut, en 2008, illustra de superbe façon mon album Le Prince Hibou chez Gautier-Languereau. Travailler de nouveau avec elle fut une fête. Je n'ai pas l'habitude de m'immiscer dans le monde de l'illustration créative mais Flammarion m'envoya plusieurs fois les crayonnés puis les planches "couleurs". Une collaboration harmonieuse du Père Castor.
Entretien réalisé par Philippe Geneste en février 2016