Anachroniques

30/10/2016

Contes classiques et illustrations nouvelles

Koechlin Lionel (illustrés par), Trois contes d’Andersen, Gallimard-Giboulées, 2016, 48p. 16€
Les trois contes sont donnés en lecture dans l’ordre chronologique inverse de leurs parutions : La bergère et le ramoneur (1845), Les habits neufs de l’empereur (1837), La princesse au petit pois (1835). Lionel Koechlin nous dit que son choix a été guidé par la tendresse, l’humanité et la simplicité qui se dégage de ces contes. La traduction du danois par David Soldi parue en 1856 a été révisée par l’éditeur. Quand on la compare à l’édition de P.G. La Chesnais (1964), on y remarque quelques troncations sans incidence sur le sens sauf, celle-ci, page 20, où disparaît « bien qu’elle eût tort », subordonnée concessive qui montre la dimension quasi politique de l’intervention du narrateur. De même, La Chesnais, pour conserver le choix d’Andersen d’écrire à partir de la langue orale, privilégie l’emploi des verbes au présent, quand Soldi et l’éditeur uniformisent le texte en le soumettant au passé simple. Mais ceci, il faut le souligner, sans créer de lourdeur dénaturante.
Les dates de la parution de ces trois textes montrent qu’ils correspondent aux premiers écrits d’Andersen dans le genre du conte. La place du merveilleux y est entière. C’est le cas de La Princesse au petit pois, conte publié dans le premier fascicule qu’Andersen donna à éditer. Lionel Koechlin accompagne ces textes avec des dessins et peintures faussement naïves, propres à son style plein d’humour qui n’hésite pas à convoquer le grotesque pour se faire grinçant. C’est un type d’illustrations qui permet à l’enfant lecteur de mettre à distance le texte, de cheminer vers une lecture que nous pourrions qualifier d’objective, et, donc, d’autant plus personnelle. La présence des motifs géométriques poursuit une architecture de l’imaginaire qui, là encore, pousse l’enfant à une attitude active de construction de l’univers fictif. N’est-ce pas cette dynamique de la lecture active qui assure la contemporanéité du conte ou, au moins, qui renforce son actualité ?
Il est indéniable, en effet, que ces trois contes entrent en résonnance avec le monde contemporain. La bergère et le ramoneur est un éloge de l’action contre la déploration spectatrice et son corollaire, la volonté anémiée. Les habits neufs de l’empereur dénonce la courtisanerie et démonte les rouages de la fabrique des croyances sociales. La princesse au petit pois relate une recherche de l’authenticité humaine et donc, en creux, l’aliénation de l’humain pris dans les rets de l’apparence. Peut-être est-ce le hasard, mais comme ces thèmes résonnent dans l’actualité de notre temps politique et social ! L’œuvre graphique de Lionel Koechlin construit un imaginaire où est mise en scène une tension entre l’aspiration humaine et sa chosification par les constructions idéologiques de la soumission aux hiérarchies. Les êtres assujettis se complaisent dans des croyances qui font du monde un théâtre d’illusions tragiques. Seule l’action peut aider à déjouer l’inertie sociale…

Kochka d’après les frères Grimm, Raiponce, illustrations de Sophie Lebot, Père Castor, 24 p. 4€75
Voici une adaptation du conte des frères Grimm qui le tenaient eux-mêmes de la traduction allemande de Persinette, publié en 1698, écrit par Mademoiselle de La Force, et lui-même inspiré du récit Fleur de Persil d’un certain Basile (1). Le thème des longs cheveux servant d’échelle pour se hisser jusqu’à la chambre interdite est un motif persan. Cela montre que Raiponce est issu de la tradition orale. Kochka, reprend le conte dans la version de 1837 des frères Grimm, une version moins crue que la première transcription qu’ils en firent en 1802. L’adaptation suit les grandes lignes du conte, un peu comme la traduction allemande de Friedrich Schulz à partir de laquelle travaillèrent les frères Grimm. Les illustrations de Sophie Lebot allient modernité du trait, réalisme traditionnel du livre destiné aux enfants, avec des couleurs qui posent les ambiances de la magie inhérente à l’histoire : une enfant enlevée à sa mère par une sorcière (une magicienne initialement), enfermée dans une tour sans porte, que découvre un prince charmant surpris par la sorcière et qui devient aveugle. Mais l’amour triomphera de l’exil de la jeune fille et de la cécité du jeune homme.
(1) Sur la genèse du conte, voir Les Frères Grimm, Contes pour les enfants et la maison, édités et traduits par Natacha Rimasson-Fertin, Corti, 2009, tome 1 page 84.

Blanche-Neige d’après Grimm, illustré par Mayalen Goust, Père castor-Flammarion, collection Les Classiques, 2009, 24 p. 4€20
Le texte est une adaptation du conte extrait de Contes de l’enfance et du foyer de Jacob (1785-1863) et Wilhelm (1786-1859) Grimm. On le regrettera car il est moins riche que le texte initial et détourne la fin du conte des frères Grimm, le supplice de la marâtre disparaissant. Or ce supplice livre une des interprétations du conte, à savoir « qu’à trop cultiver le paraître on finit par s’épuiser à mort » (1). L’histoire n’ayant pas besoin d’être présentée, nous nous arrêterons à l’interprétation graphique qui en est faite par Mayalen Goust. La créatrice a choisi de faire se tenir les personnages dans des zones obscures. Les deux dernières images seulement, sont véritablement claires et sans ombre. Les couleurs nous plongent donc dans une atmosphère d’angoisse. Goust, toutefois, joue savamment avec le début du texte qui définit ainsi l’enfant idéale : « blanche comme la neige, vermeille comme le sang et noire de cheveux ». On sait qu’il s’agit, là, des attributs de couleur donnés à la mère du Christ dans les représentations populaires (2). Le blanc est concentré par Goust dans la robe de l’enfant. Le rouge c’est sa ceinture et une fleur dans ses cheveux, c’est la couverture du lit où elle dort chez les sept nains, c’est le chapeau pointu des sept nains, la tunique du prince qui vient la délivrer du sort de la marâtre, enfin, au final, la robe de la mariée. Le noir représente le rapt dont elle est victime au début de l’histoire sur ordre de la marâtre, c’est aussi le noir des cheveux puisque le marâtre transformée en sorcière lui vend un peigne qui fait perdre sa prudence à Blanche Neige, qui s’en sert alors qu’il est empoisonné.
Le rouge de la vie, le blanc de la pâleur innocente annonciatrice de la mort, le noir de l’angoisse.
On n’est pas habitué à des illustrations contenant autant de formes tranchantes pour ce conte. Goust, visiblement connaisseuse des interprétations psychanalytiques du conte (Bettelheim mais aussi Marc Girard) en use avec précision, aidée en cela par son choix d’un rapprochement avec l’esthétique du dessin animé japonais (le dessin animé plus que les mangas). Aussi, malgré les réserves que nus émettons quand à l’adaptation du texte, cet album possède le faste interprétatif d’une illustration réfléchie dont il serait dommage de priver les enfants de 9 à 13 ans.
(1) Girard Marc, Les Contes de Grimm. Lecture psychanalytique, Paris, Imago, 1999, p120.
(2) Baxandall M., L’œil du Quattrocento, Paris, Gallimard, 1985, p.92
Philippe Geneste


16/10/2016

Romans sociaux en rééditions

Les rééditions sont un moment privilégié pour revenir sur des livres importants déjà chroniqués sur ce blog.

Goby, Valentine, Reem, Leïla, Adam...; tous français d’ailleurs, illustrations de Ronan Badel et Olivier Tallec, Casterman, 2016, 311 p. 14€95
« Partir est un acte grave, il se fait dans le respect
de ceux que l’on quitte et de ceux qui nous accueillent »
L’écrivain algérien Boualem Sansal dans Rue Darwin
« - C’est quoi l’idéal ? je demande.
Mon père se tourne vers moi.
- C’est croire en quelque chose de plus grand que toi, qui donne un sens à ta vie.
Je suis perdu. Je me demande si je préfère un idéal avec des parents morts,
ou des parents vivants mais qui ne croient en rien. ».
Goby Valentine, Antonio ou la résistance.
Français d’ailleurs est une collection dirigée par Jessica Magana chez Casterman qui raconte des itinéraires de vies de femmes et d’hommes réfugiés ou immigrés, et qui participent du peuple de France que d’aucuns voudraient éclaircir, nier dans sa réalité. Les évidences multiculturelles des mœurs contemporaines sont alors introduites comme preuves données pour le respect des travailleurs d’où qu’ils soient, d’où qu’ils viennent : mineurs polonais, réfugiés espagnols, immigrés algériens, vietnamiens, maliens, roms roumains, érythréens ou syriens. C’est dire l’importance de cette collection aujourd’hui. Nous avons, au fur et à mesure de leurs parutions chroniqué les récits rassemblés dans ce volume dus à la plume de Valentine Goby. Un seul texte est nouveau, le texte introductif « Reem dans la brume » qui a trait au drame des réfugiés sur les côtes de l’Europe, aujourd’hui.
Le volume illustre le roman social avec une écriture sensible. Ce sont de courts romans, petits bijoux d’humanité, où de jeunes narrateurs-narratrice racontent leur histoire augmentés de documentaires clairs sur les pays concernés, avec des précisions historiques à la fois concises et fournies avec chronologie. Le volume prend ainsi une dimension encyclopédique pour les jeunes lecteurs, les histoires se déroulant tout au long du vingtième siècle, aux moments clés des migrations qui l’ont marqué, jusqu’à aujourd’hui.
Ce sont des récits d’exil, des voyages initiatiques, brefs récits d’apprentissage où les jeunes lecteurs découvrent la réalité de conditions de vie inacceptables, de la misère, de l’organisation de la vie dans les camps de réfugiés, dans les foyers pour travailleurs immigrés, du rôle des papiers d’identité, de l’importance des certificats de travail… Car, et c’est encore un atout de la collection, l’œuvre de Valentine Goby montre que ces « français d’ailleurs » sont avant tout des travailleurs et des travailleuses du monde. Aussi, ces récits permettent de jeter un regard critique sur l’idéologie citoyenne dont on gave les élèves pour leur faire accepter l’ordre dominant.
Ces récits sont aussi des récits sur la frontière : franchissement, reconduite à la frontière, espoir, mirage. Mais qui dit frontière dit aussi, rêve des origines, du pays ‘origine. Travailleurs et travailleuses aux semelles de vent, les héros et héroïnes de ces récits nous entraînent dans la dialectique du voyage et de l’enracinement, de la pérégrination et du lieu à soi.
Contrairement à ce qu’enseignent la morale civique d’état et l’idéologie citoyenniste, l’humanité n’est pas partagée en deux, entre des réfugiés et des autochtones, entre des immigrés et des sédentaires, entre ceux d’ici et ceux de là-bas. Là-bas, c’est le monde d’ici.
Trouver place dans un mode libéré de l’exploitation, de l’oppression, de l’exclusion, où vivre ensemble n’existe que parce qu’on y vit en société, voilà ce à quoi invite à penser le volume paru chez Casterman. Vivre est une action qui s’accomplit dans le respect de ceux qui sont présents ici, à cette date, développant l’humanité, la  c’est-à-dire qui réalise l’humanité dans ses actes de vie
Annie Mas&Ph.G.

Pandazopoulos Isabelle, La Décision, Gallimard, collection scripto, 2013, 248 p., 9€50
« Octobre 2011, dans un lycée de la région parisienne, tandis qu’au dehors des étudiants manifestent contre la réforme des retraites, une élève de terminale vient d’accoucher, toute seule, terrée dans les toilettes de son lycée. (…)La Décision est un roman poignant, sans caricature, libéré de l’idéologie sirupeuse de la compassion. Reposant sur une narration qui porte à l’identification au personnage de la jeune fille, le roman amène à élaborer sa propre réaction. Et, qualité fort rare en littérature de jeunesse, cette réaction est appelée, au fil du temps et de la réflexion, à se modifier. En effet, les actions de Louise, les événements qui trament le drame, interpellent chaque lecteur et lectrice, qui, s’appropriant l’histoire, trouve sa voie propre. »

Annie Mas (intégralité du texte sur le blog du 18 octobre 2015).

09/10/2016

Livres d’art, art du livre

hodge Susie, Pourquoi l’art est-il plein de gens tout nus ?, Milan, 2016, 96 pages, 16€50
L’Art, ça nous regarde !
Devant une œuvre d’Art, le spectateur est actif, vivant, pensant. En plaçant son regard à hauteur d’enfance, Susie Hodge soulève, à partir de chaque œuvre, un coin du voile, mais questions ou réponses, cela nous interroge de plus belle !
Un spectateur actif !
Ca, c’est une question d’une brûlante modernité !
Dominique Brochet
Murugarren Miguel, SÁez Castan Javier, Bestiaire universel du professeur Revillod. L’almanach illustré de la faue mondiale. Mélange de curiosité pour s’instruire en se distrayant et vice versa, Casterman, 2016, 20 pages en languettes, 14€50
En combinant les trois séries de 20 languettes l’enfant a la bagatelle de 4096 espèces étranges à découvrir. Mélangez la tête d’un éléphant, le corps d’une queue de voile et l’arrière train d’un tigre et vous avez créé un édegre, pachyderme honorable aux écailles irisées des forêts malaises. Car à chaque combinaison, apparaît, par le jeu des dénominations inscrites à l’arrière des languettes (par Miguel Murugarren), les éléments des néologismes animaliers. Pline l’ancien, Buffon, Linné, Cuvier sont convoqués. Ils attestent que le travail illustratif de Javier Saez Castan imite l’œuvre des plus grands naturalistes. Joyau de la zoologie ubuesque, œuvre phare du naturalisme le plus intrépide, ce bestiaire universel provoque les imaginaires enfantins et adultes, tout en convoquant l’hommage à l’art graphique des naturalistes. Le format est parfait pour les petites mains et l’intérêt de la préciosité intellectuelle stimule les élans fictionnels.
MacLachlan Patricia, Si tu t’appelais Henri Matisse, illustrations d’Hadley Hooper, adaptation française d’Elisabeth Sebaoun, Milan, 2014, 44 p. 13€50
Cet album pour enfants de 5/7 ans est une introduction à l’œuvre de Matisse sous la forme d’une petite histoire qui revisite la vie du peintre. Ce dernier, très attaché à sa mère, cherche à retrouver l’éblouissement enfantin devant les couleurs qui l’entourent. Les tableaux seraient le moyen d’expression des sentiments d’euphorie et d’empathie avec un monde coloré. L’illustrateur use de gravures en relief, du travail avec Photoshop sur des encrages encrés de personnages et d’objets. Surtout, il est parti de l’imitation des œuvres sur lesquelles il a superposé des scènes propres à l’histoire du livre, sans hésiter à proposer une motivation à l’œuvre elle-même. On suit ainsi Matisse à travers les âges. Au fil des pages, l’enfant, à qui on racontera l’histoire, cherchera des détails, des objets dans les doubles pages, ce qui rend active la lecture. C’est donc un album problématique à l’effet toutefois incertain auprès du lectorat visé. La lecture à ses côté s’avèrera essentielle pour que l’album propose effectivement toute sa richesse à l’enfant apprenti lecteur. Mais il est aussi une application à la lettre de cette phrase de Matisse : « Il faut regarder toute la vie avec les yeux d’enfants » (Le Courrier de l’UNESCO octobre 1953). Cette application prend le risque de passer d’une éthique à une esthétique de l’innocence, et c’est une interrogation sourde que pose l’album.
herbauts Anne, Que fait la lune la nuit ? , Casterman, 2016, 32 p. 14€95
Anne Herbauts prend, ici, un thème profond de la représentation du monde enfantine. La lune ? Elle fascine l’enfant comme elle fasciné l’homme premier. La lune qui brille et dont la lumière met en avant la nuit noire à laquelle elle doit son existence. Comment, la nuit engendrerait la lumière ! Mais pourquoi puisqu’elle est le règne de l’ombre, du sombre, de l’obscur ?
La fable d’Anne Herbauts s’identifie aux conceptions de l’enfant. La lune est un être vivant. Et, comme l’enfant, Anne Herbauts s’intéresse, non à l’origine de la lune, mais à ce qu’elle fait. Tout l’album repose sur un artificialisme dynamique finaliste. La lune trouve en elle-même la raison de son comportement et elle a quelque utilité dont va s’amuser l’autrice. Elle peut s’appuyer, pour cela, sur le langage car, comme le dit Piaget après Charles Bally, « l’expressivité d’une langue est toujours régressive » (1). Le texte s’apparente à un poème en vers libre, jouant des assonances plus que des allitérations, afin de créer un monde éthéré. Bien des hypothèses animistes passent à travers les illustrations qui façonnent l’album vers le mystère. Les couleurs sombres, les silhouettes approchées comme toujours chez Anne Herbauts, une certaine tristesse déridée par certains éclairs de malices, font entrer le jeune lectorat dans un univers indécis mais où il peut s’identifier pourtant, un univers de fabuloserie. Le lectorat est appelé à être attentif : la lune change au cours de la nuit, unité de temps de l’album dans le ciel unité de lieu. Simple quartier de lune, elle va devenir pleine, mais sans que le texte n’en rien dise. C’est qu’il faut vraiment suivre les images. Lire demande un certain sérieux dans le traitement des images. Exigence de l’album que rappelle ainsi Que fait la lune la nuit ?
La fin fait référence au mythe de Narcisse, mais plus encore au mythe dont l’anthropologie nous a appris qu’il fut un des premiers construit par les êtres humains, celui de la lune reflétée dans une mare. 
Pour combler l’enfant lecteur, la lune de l’album explique la présence de phénomènes étranges, comme celui de la rosée. Les mots, insérés dans des phrases concises, prennent tout un halo de sens que l’enfant peuple hardiment.  Les images, quant à elles, portent ou transportent aimerions-nous dire, le texte, rendant si aisée sa lecture par l’enfant de tout âge.
Philippe Geneste

(1) Piaget, Jean, La Représentation du monde chez l’enfant, Paris, PUF, 1991 (1ère édition, Alcan, 1926), 336 p – p.209

01/10/2016

Plaisir des mots par la découverte sensorielle du langage

Harji-Lazaro, François, Pouët, illustrations de Delphine Durand, Milan, 2016, 40 p. + CD
Le secteur éditorial en direction de la jeunesse offre, parfois, de réelles créations, pensées pour les enfants mais sans s’abandonner au mieux disant social. Les 14 chansons de François Hadji-Lazaro sont une offrande joyeuse aux petits, plongeant dans leur quotidien, scrutant avec impertinence et tendresse leurs défauts, jouant par des clins d’œil de rythme avec leur malice, leurs révoltes, leur besoin d’amour, aussi. François Hadji-Lazaro est connu pour être le chanteur de Pigalle, des Garçons Bouchers et de Los Carayos. Fondateur du label Boucherie productions, il est un acteur clé de la scène musicale française alternative.
Cet opus destiné aux enfants est un régal de bout en bout. L’aspect impertinent se retrouve aussi dans les illustrations de Delphine Durand, qui aime le fouillis, l’effet artistique du n’importe quoi et de l’invraisemblable.
Quand François Hadji-Lazaro pastiche la chanson Dans la salle du bar tabac de la rue des martyrs avec Dans la salle de la cantine de la rue des Martines, évidemment que les petits sont en joie, reconnaissant bien leur vécu à la cantine, mais les grands qui écoutent rient à gorge déployée, les effets de reconnaissance aidant avec la chanson initiale… Un bonheur similaire est provoqué par deux autres chants (Rejouer juste une fois à la récré et J’ai deux mains gauches). Sinon, le livre-CD présente onze compositions originales.
Ici, aucune mièvrerie. La vie est abordée en brins d’humour et réalisme. La poésie est toujours présente, la mélancolie affleure parfois, De plus, tant au niveau des dessins que des chansons, domine une générosité artistique sans pareille. La richesse instrumentale (quelques trente instruments, tous joués par François Hadji-Lazaro)  et la variété des styles concourent à captiver les jeunes auditeurs et auditrices.
Comme le livre comporte les textes des chansons au milieu des dessins de Delphine Durand, on comprend bien que ce chef d’œuvre devrait s’adresser aux enfants bien au-delà de 4 ans et notamment à toutes les tranches d’âge jusqu’à la sixième au moins…
Chansons du monde, Didier jeunesse, collection Comptines du monde, 2012, 60 p. + 1 CD 57 mn, 23€80
Voici un très beau recueil où se répondent les langues, les tons et les accents. Voici une musique douce, parfois violente et cruelle, souvent rieuse, parfois juste prise au saut de la berceuse pour une comptine. Vint-deux chansons du monde : Inde, Bretagne, Vietnam, Cambodge, Corée, Pologne, Russie, Corse, Brésil, Portugal, Grèce, Espagne, Côte d’Ivoire, Algérie, Arménie, Kurdistan, Turquie, Guadeloupe, Martinique.
Ce florilège exceptionnel est magnifiquement servi par les illustrations de divers créateurs. Un ouvrage hors pair qui grâce à son cédérom fait comprendre l’éloignement des gestes populaires de parole et leur proximité, dans les thèmes, dans les musiques, parfois.
Morgane et Cie, La Musique en chantant, éditions naïve, collection les petits indispensables des tout-petits, 2014, CD 32’ + livret 24 p. 12€
Vingt chansons sont répertoriées pour découvrir la musique : les notes les graves, les aigus, les nuances, le tempo, les gammes, le mode majeur et le mode mineur. C’est une initiation à la musique avec la voix pour unique instrument. Les paroles et les musiques sont de Morgane Raoux, musicienne et musicologue qui a ouvert une école d’éveil musical pour les tout-petits et travaille aussi comme formatrice. Ce CD est une quintessence de sa démarche. Elle est accompagnée pour les arrangements par Olga Vassileva, qui joue aussi du piano, et Bruno Desmouillières qui joue des percussions. Le livret est illustré par Maud Legrand. Une belle œuvre.
Les 40 plus belles comptines et chansons, Gallimard jeunesse, 2012, 96 p.  + CD 75mn, 15€
Il s’agit de comptines, de poèmes, de chansons du catalogue Gallimard chantés par des enfants, par des adultes, à une voix ou à plusieurs voix avec un accompagnement instrumental. C’est une sorte d’anthologie de l’éditeur qui rassemble des chansons connues et d’autres spécifiques au catalogue jeunesse.
Prual Mathieu (musique de), Les Instruments de Pipo, illustrations de Delphine Chedru, éditions Didier jeunesse, collection écoute et devine, 2014, 15mn + 18 p. 13€10
Le CD et l’ouvrage mène à la découverte du piano, du violon alto, du saxophone, du steeldrum. Pour chaque instrument, l’enfant est invité à écouter quelques notes, sons et bruits et il doit deviner l’instrument qui les produit. Ensuite, un morceau en solo de l’instrument lui est proposé. Les morceaux sont joués par des musiciens différents. Le CD s’achève avec un morceau de musique en quintette rassemblant les instruments présentés.
L’album qui accompagne le CD est illustré par des aplats de couleurs selon une architecture reposant sur des doubles pages comportant un rabat sous lequel se cache une illustration mettant en scène l’instrument auquel est consacré la double page.
Mathieu Prual fait preuve d’inventivité pour la découverte sensorielle de l’instrument. Il surprend l’auditoire et capte ainsi son attention. L’enfant est ainsi impliqué dans la recherche comme l’annonce le livre. Michèle Moreau qui lit les textes liant les séquences musicales offre toute la fluidité nécessaire à cette petite expérience qui s’adresse aux enfants dès quatre ans. Un bel objet, un CD didactique et agréable.

Philippe Geneste