Le Magicien
d'Oz, texte de Jean-Pierre
Kerloc’h d’après Franck L. Baum, dit par Nathalie Dessay, illustré par Olivier
Desvaux, avec les musiques du film composées par Herbert Stothart paroles,
musiques et chansons par Edgar Yip Harburg et Harold Arlen,, Didier jeunesse,
2014, 60 p. + CD de 60’ ,
23€80
Baum L. Franck, On n'a
probablement pas à présenter l'histoire de Dorothée et du Magicien d'Oz adaptée
au cinéma en 1939 par Victor Flemin qui n'est pas pour rien dans le rayonnement
de l'œuvre de L. Frank Baum (1856 – 1919). Au moment de sa sortie, Baum
écrivait qu'il s'agissait de bannir du conte le cauchemar et le chagrin pour
n'en garder que l'émerveillement dans le but de distraire la jeunesse. La
morale étant dévolue à l'éducation, la littérature ne devait qu'amuser.
Cette œuvre est donc une œuvre
explicitement idéologique puisqu’elle se dit œuvre de littérature de jeunesse
pure, c’est-à-dire dépouillée de tout enjeu social et politique ou éducatif.
Baum voyait en cela le renouvellement de la littérature des contes qu'il
s'agissait de ranger au rayon des musées littéraires.
On croise au cours du périple de
Dorothée apprentie magicienne ce qu'on identifie aisément, aujourd'hui, pour
des poncifs de l'héroïc-fantasy. Le poétique vient renforcer l'élimination du
vilain et du mal. Rien qui ne glace le sang, ici, rien qui ne heurte les
consciences : on est dans le divertissement qui se voudrait pur de toute
autre exigence. Comme chez Harry Potter, les personnages sont appelés à trouver
en eux-mêmes, ce qu'ils veulent demander à l'introuvable magicien. Comme Harry
Potter leur pouvoir est inné et l'individu est son propre et seul recours….
Et on voit ainsi que Baum tombe
dans une idéologie conservatrice. La misère y est expliquée par une sorte de
théorie des climats et un fatalisme très naturel. Le magicien tient son pouvoir
de la confiance qu'il redonne aux êtres auxquels il vient en aide. Marchand
d'illusion, le magicien était tout indiqué pour faire rêver lors de la
dépression économique où Flemin le mit à l'écran. On touche probablement, ici,
au cœur même de l'œuvre : une propagande sans voile en faveur d'une
société individualiste de l'illusion. La grandiloquence pompière de la musique
du film reproduite sur le CD avec les chants enchanteurs aux paroles niaises
épousent parfaitement ce but. En ce sens, le beau travail éditorial de chez
Didier restitue un des manifestes les plus explicites de la littérature
destinée pour la jeunesse comme arme idéologique de domptage au divertissement.
Philippe Geneste