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Saintyves, Pierre, Les
Contes de Perrault et les récits parallèles ; En Marge de la
Légende Dorée, songes, miracles et survivances ; Les Reliques
et les images légendaires,
édition établie par Francis Lacassin, Paris, Robert Laffont,
collection Bouquins, 1987, 1192 p.
Lemancel Jean-Philippe, Et
La Galette dans tout ça ? illustrations de Christophe
Aline, Didier jeunesse, 2014, 40 p. 13€10
Concentrons-nous sur
l’histoire d’abord : c’est celle du Petit chaperon
rouge contée par les images d’Aline en couleurs vives
principalement en aplats sur des dessins géométriques qui laissent
apparaître les collages. L’absence partielle de texte permet de
laisser aller l’imagination c’est-à-dire l’interprétation de
l’histoire. Des bulles notifient ce procédé n’ayant pas peur
d’user de schémas flirtant avec le pictogramme. Le récit doit
être facile à lire, telle est la contrainte que semblent s’être
donnée les deux créateurs.Le parti pris du scénariste Jean-Philippe Lemancel rend ce choix lisible. Il ouvre l’opus par l’exercice de style d’une mise en abyme qui vient centrer l’intérêt du lecteur sur la galette : « le beurre dans la galette, la galette dans le panier, le panier dans la main du chaperon, le chaperon dans ses pensées, le loup dans la forêt ». Les images alors figurent la suite de l’histoire qu’une ultime mise en abyme, avec la même préposition, clôt. Quand à la question qui sert de titre, c’est l’image finale qui y répond. Car Lemancel a choisi une fin euphorique, celle du repas du chasseur avec la grand-mère et le chaperon délivrés des ténèbres du ventre du loup.
Si on se penche
maintenant sur l’album avec le regard du pédagogue, on ne manquera
pas de trouver bien de l’ingéniosité dans la composition
narrative de Lemancel. Retenons juste qu’il retient dans ce conte
très connu un élément à la fois initiateur de l’histoire (la
galette est ce qui motive la promenade du petit chaperon rouge) et en
même temps secondaire, qui en général disparaît de la suite de
l’histoire après les premières images. Or Lemancel en fait
l’origine d’une réinterprétation du conte. Loin d’une
adaptation, Lemancel et Aline nous proposent une re-création
du Petit Chaperon rouge, pour le plus grand plaisir des
lecteurs et lectrices quels que soient leurs âges.
willis Jeanne, clic,
clic, danger !, illustrations de Tony Ross, Gallimard
jeunesse, 2014, 32 p. 13€50
Les illustrations humoristiques de Tony Ross,
toujours aux confins d’une sorte d’absurde étrangeté,
illustrent le texte hilarant de Jeanne Willis. Les recherches de
poussinnette -l’absence de majuscule renforce la personnification
du personnage auprès de l’enfant- sur le net sont l’occasion de
scènes abracadabrantes où excelle Tony Ross, et qui soulignent que
l’univers virtuel est aussi un monde réel forgé pour perdre la
raison de la mesure de ce qui est ou peut être, ou encore sera.
L’œuvre établit un programme de prévention contre les dangers
d’internet et l’ultime double page est une chute sans pitié où
l’héroïne poussinnette affublée d’un chapeau rond rouge
couronné d’une plume rousse, trompée par internet, tombe dans le
piège du renard pédophile. C’est Le Petit Chaperon rouge
mis à contribution pour conter aux enfants de trois à sept ans,
sous la forme expressive d’un album, les mystères d’internet
comme du désir de rencontre.
Philippe
Geneste