Le
Bildungsroman est un modèle masculin, que ce soit à travers Les
Années d’apprentissage de Wilhelm Meister
de Goethe, que ce soit à travers la théorie de Lukacs, que ce soit
chez Balzac ou chez Flaubert.
« Aller
dans le monde pour s’éprouver et se connaître » (Lukacs
Georges La Théorie du roman
de Georges Lukacs, traduit de l’allemand par Jean Clairevoye, aux
éditions Gonthier en 1963, puis repris dans la bibliothèque
médiations de chez Denoël Gonthier en 1971) était et semble rester
un programme masculin « envisagé pour et par les hommes »
(Suleiman,
Susan Rubin, Le Roman à thèse ou
l’autorité fictive, PUF, 1983, p.82
n.5). N’est-ce pas la répartition sociale des tâches qui pose la
femme au foyer et l’homme dans le monde qui est en cause, ici ?
Qu’en est-il, aujourd’hui, dans la littérature de jeunesse ?
Ph. G.
Mouchard Christel, Devi, bandit aux yeux de fille, éditions Flammarion, 2012, 247 pages, 6,10€
Devi
a 16 ans lorsqu'elle rejoint les bandits des ravnes. Pourquoi ?
Pour se venger, se venger de tous ces thakûrs* qui lui ont fait
subir, à elle et à sa sœur jumelle, mille humiliations, se venger
de son mari, qui a abusé de son corps, se venger de l'Inde toute
entière, de ses castes, de sa politique etc.
Jamais
plus sa famille ne subira de moqueries ou d'humiliation parce qu'elle
a fuit le domaine de son mari et sa sœur adorée aura désormais une
dot et des bijoux, que demander de mieux pour la jeune idéaliste ?
Elle semble inconsciente des risques que représente ce métier mais,
pourtant, tout au fond de son âme elle sait, elle sait qu'elle
risque de se faire tuer à tout moment, qu'elle ferait mieux de se
rendre, de purger sa peine et de se marier avec l'homme qu'elle aime,
un jeune thakur qui ne veut que son bien. Il
est le seul qui réussira à lui rendre la raison. Rien ne dit
dans le récit ce qui se passa après que Devi se soit rendue mais
chacun peut deviner que cette jeune fille est bien décidée à
refaire le monde ou du moins l'Inde à sa façon.
C'est
un très bon livre qui permet de découvrir l'Inde. L'histoire se
tient parfaitement tout en défendant le droit des femmes ce qui
permet de lire cet ouvrage à tout âge. L'écriture est spéciale et
j'aurai préféré que le narrateur soit
interne à l'histoire mais globalement j'ai beaucoup aimé et
conseille ce livre qui romance si bien l'histoire d'une véritable
héroïne de l'Inde.
*En
Inde, dans la hiérarchie des castes, les thakûr sont dits
appartenir à une caste honorable
Mouchars
Christel La princesse africaine. Tome 1 sur la route du
zimbaboué, éditions Flammarion,
2011, 238 pages, 6€
Tchinza,
fille de reine, est princesse du Zimbaboué et pourtant elle a été
enlevée avec son esclave, le jeune Moutiti depuis maintenant un an
par le peuple des zoulous dont le chef veut l'épouser. Mais la jeune
fille fomente en secret le projet de rentrer dans son pays coûte que
coûte pour retrouver sa mère.
Aussi
lorsque, contre quelques armes et produits typiquement Européens, un
blanc demande aux zoulous un guide pour aller jusqu'au Zimbaboué la
princesse se porte volontaire avec son esclave. Sa proposition est
accueillie avec enthousiasme.
La
voilà partie pour son pays avec seulement une idée vague de la
route à suivre, avec Soudi le traducteur douteux, quelques porteurs
et les deux blancs aux prénoms étranges, David, Isabelle. Cette
dernière a un fils, Damian. Le voyage est périlleux. Tchinza et
Damian apprendront à leurs dépens, la mort, la traite des esclaves
et peut être même l'amour.
Ce
livre, qui s’adresse aux 10-12 ans, raconte un beau voyage
initiatique même si j'ai trouvé que pour ses seize ans, Tchinza
était bien peu mature et que les événements qu'on peut voir tout
au long du livre sont assez policés, ce qui, pour une série,
pourrait devenir lassant. L’écriture est agréable et l'histoire
est globalement bien tenue.
Aurélie
Arnaud
Mestron
Hervé, Touche pas à ma mère, Talents Hauts, 2012,
64 p. 7€
En
Europe, la violence conjugale est, pour les femmes de 16 à 44 ans,
la principale cause de mortalité et d’invalidité avant les
cancers et les accidents de la route (données de 2002 de l’ONU).
En France, une femme meurt, tous les trois jours, sous les coups de
son conjoint. C’est donc que les femmes sont des êtres humains qui
ne sont aps considérés comme dignes de respect ; cette
discrimination fondée sur le sexe s’appelle le sexisme.
Le
roman de Mestron est purement didactique, illustrant avec un récit
des plus sommaires cette situation. Il aborde les freins
psychologiques qui empêchent la mère de l’héroïne de porter
plainte contre son compagnon, il illustre le fait que les violences
faites aux femmes sont ll fait de proches. On ne peut que regretter
que sur un tel sujet, l’ouvrage se replie sur le didactisme,
évitant l’élan littéraire et la recherche de composition du
récit. Quoiqu’il en soit, le sujet est trop peu abordé en
littérature de jeunesse pour ne pas faire connaître cet ouvrage
dont tous les centres de documentation et d’information et
bibliothèques ouvertes à al jeunesse devraient se doter.
A
Vol d’oiseau, illustré par Mayana
Itoïz, Talents Hauts, 2012, 17 p. 11€70
Cet
album, écrit collectivement par une classe de CP-CE1 de
Monceaux-les-Maux, reprend le schéma général du classique de Selma
Lagerlöf : des enfants, des adultes grimpent sur le dos d’un
oiseau qui parcourt la terre recueillant la colère de ceux qui
dénoncent les discriminations sexistes quotidiennes : dans les
jeux, les professions, les activités de détente, les mœurs, les
comportements. L’album est illustré avec poésie par Itoïz qui
jouent des angles de vue, de la couleur, du courant pictural naïf,
ouvrant ainsi un album didactique au merveilleux, c’est-à-dire
créant à proprement parler le cadre générique de l’histoire
contée.
Philippe
Geneste