Alors que jusqu’aux années 1960-1970, les documentaires en direction de l’enfance « ne présentaient pas la réalité, mais la racontaient » (1), aujourd’hui, le documentaire traite des choses du monde avec un parti-pris réaliste. S’il reste le parent pauvre du secteur éditorial, le documentaire oscille entre apport informationnel et construction d’une culture. La recherche des créneaux de vente tend à fragmenter les domaines, ce qui est une forme idéologique d’aborder les savoirs. Pour autant, le documentaire est-il le genre de la littérature de jeunesse qui permet le mieux à l’enfant de se saisir de la vraie vie ? Certains le pensent. Pourtant, il peut être aussi le genre du détournement de la conscience des conflits qui structurent le monde et l’ont produit. Surtout, le documentaire échoue à présenter des informations propres à un domaine en lien avec les enjeux sociaux plus globaux. On peut le déplorer mais on peut aussi le mettre en rapport avec une société du fétichisme de la marchandise qui atomise les visions du monde en microscopiques domaines d’intérêt.
A ces questions, il faut ajouter le problème ardu de la vulgarisation scientifique auquel, finalement, le documentaire contemporain peine à apporter des solutions éditoriales.
(1) Escarpit, Denise, La Littérature de jeunesse. Itinéraires d’hier à aujourd’hui, Magnard, 2008, p.332
Grinberg Delphine, Les Tyrannosaures, illustrations de Caroline Hüe, Nathan, collection Kididoc, 32 p. 10€
Voici un très riche volume adressé aux enfants dès 4/5 ans mais qui, à l’âge de 7/8 ans serait particulièrement bienvenu dans les mains des enfants. Une foule d’interrogations trouvent réponses, de mini-histoires racontent la vie de nombreux animaux préhistoriques du temps du tyrannosaure qui reste la vedette du livre. Drôle, documenté, instructif, simple d’accès et varié dans la prestation informative, c’est un petit ouvrage réussi.
Histoire
Harris Nicolas, Dennis Peter, L’Histoire continue, tome 2 – La vie de château, Casterman, 20 pages en accordéon, 12€
Le titre désigne la forme en dépliant du livre qui se retourne. On assiste à la vie d’un château fort, et de son village, à sa prise par des ennemis, à sa reconstruction. L’adulte rétablit aisément la chronologie des événements, mais c’est moins sûr que l’enfant de 6/8 ans à qui s’adresse officiellement le livre accordéon puisse s’y retrouver tout pareillement. En revanche, les enfants aimeront suivre les personnages sur l’image en continue, s’inventer leur propre histoire médiévale grâce à cette forme de livre. Les textes légendaires lui serviront, à 8/9 ans, de support dans cette exploration de l’image et de ses détails.
Auger Antoine, Les Romains, illustrations de Clémence Paldacci, Milan, collection Les grands docs, 2013, 48 p. 9€90
Cette collection, qu’on peut caractériser de parascolaire, est destinée aux 8/12 ans. Le documentaire part de la légende fondatrice pour expliquer l’ordre social, la rivalité avec Carthage, s’appesantir sur la famille, la religion, l’armée et les conquêtes. Une seconde partie interactive interroge le lectorat quant aux jeux, à l’urbanisme, à l’ordre politique, à la problématique civilisation ou barbarie, et s’achève sur la décadence romaine. Un index, un lexique, les solutions des jeux, sont donnés à la fin du livre.
Bousquet-Schneeweis Patrick, Lucie et Raymond Aubrac. A la vie à la mort , Oskar éditeur, collection Histoire société, 2013, 72 p. 9€95
Dans cette excellente collection des éditions Oskar, sûrement la meilleure concernant le genre de la biographie en jeunesse, paraît les vies résistantes de Lucie et Raymond Aubrac. Particulièrement bien documenté, renforcé par un dossier très clair, l’ouvrage est plus un documentaire fiction qu’une fiction documentaire en cela que l’écriture est peu travaillée. La composition du récit, qui suit la chronologie, en revanche, est pertinente.
Peinture
Sellier Marie, 10 Tableaux et un ballon rouge, Nathan, 2013, 48 p. 14€90
Ce type d’ouvrage est particulièrement enrichissant. L’enfant découvre au fil des double-pages, des tableaux de grands peintres : Vallotton, Le Douanier Rousseau, Chagall, Matisse, Picasso, Miro, Léger, Malevitch, Kandinsky, Klee. Il les découvre en y recherchant un ballon rouge qui est le motif assurant l’unité du livre. Les textes, légers, simples, typographiés avec dynamisme s’allient d’abord avec des trous dans les pages laissant apercevoir des détails pour ensuite s’amplifier en un commentaire descriptif. Au final, c’est une invitation au discours qui est proposée à l’enfant car le texte n’est pas clos sur lui-même. Il faut louer ce livre et cette réussite éditoriale de belle teneur culturelle.
Philosophie
Brenifier Oscar, Perret Delphine, Le beau selon Ninon, Autrement, collection Les petits albums de philosophie, 64 p. 13€50
Ce fort volume aborde la difficile question du beau, donc de l’esthétique, pour les enfants dès 9 ans mais aussi pour toute personne intéressée par cette réflexion. Les vingt et une histoires fondées sur le dialogue, présentées sous la forme de bandes dessinées reposent sur une intelligence fine et la clarté de l’écriture servie par la simplicité du dessin. Ce dernier facilite l’accès à la réflexion tout en se gardant de capter l’attention de l’enfant. Il reste alors le texte mis en situation. Même si à la fin, se trouver belle ou beau, « apprendre à voir le beau chez les autres, c’est difficile et ça va prendre du temps », l’ouvrage donne envie de saisir ce temps. Sa composition est ouverte à la patience de la lecture : le livre ne se dévore pas, il se goûte tranquillement en s’arrêtant aux questions et aux réponses qui sont suggérées, mais jamais closes.
Geneste Philippe