Chabas Jean-François, Les Fleurs parlent, illustrations de Joanna Concejo, Casterman, 2013, 64 p. 16€95
Trois couleurs de fleurs, trois espèces différentes, trois histoires qui se conjuguent en un album au format vertical 18x35.
Dans la première, on est au pays Bas. La Mauve est une tulipe perroquet exceptionnelle, création sortie du travail acharné du botaniste Erasmus Van Hum. Seulement, voilà la convoitise des commerçants car la tulipe se monnaye cher. Alors, Van Hum, qui n’est aps attiré par el gain décide de se replier sur ses travaux, dans sa serre, au sein de sa propriété. Un jour, sa serre est vandalisée. La Mauve est intacte. En effet, il la garde au pied de son lit. Et c’est le début de l’errance qui aboutira à la décision de planter la Mauve dans une clairière puis de reprendre sa vie de reclus consacrée aux plantes.
Dans la seconde, on est chez des indiens d’Amérique. On suit deux enfants dans leur développement : l’un fort et orgueilleux, l’autre chétif et effacé. La vie réserve des épreuves imprévues, ici, celle de l’attaque d’un grizzli. Le malingre sauvera le musculeux et un œillet blanc viendra sceller à tout jamais une amitié ternie jusqu’alors par la vantardise humaine.
La troisième est celle de Selma, si belle jeune fille aux yeux de huski, orgueilleuse de sa beauté, ne croyant que ce que lui renvoie son miroir. C’est l’histoire d’un amour déçu, de l’impossibilité de vivre dans la solitude. La belle chutera dans un champ de pivoines sanglantes où elle s’éteindra.
L’album est remarquablement écrit et s’adresse bien plus aux enfants dès 9/10 ans qu’à des plus jeunes. Dans les trois histoires, la peur rôde. Elle prend trois aspect différents, mais c’est bien ce thème qui est traité avant tout autre. Pivoine fleur de l’orgueil, œillet blanc fleur d’amitié, tulipe beauté muette. Et au creux de chacune, une épreuve de la vie pour un savant en quête d’absolu, pour un enfant en quête de lui-même, pour une jeune fille perdue dans son individualité.
Mais l’album va plus loin encore. Ces récits sont des récits d’enfance et à ce titre des réflexions sur la condition contemporaine de la jeunesse. Il faudrait citer tout le premier paragraphe de la page 45. La littérature tissée de langage impose de rencontrer l’autre, lecteur et les autres tonalités et rythme de langues individuellement réalisés : c’est en cela qu’elle est leçon d’éducation à l’usage de nos contemporains. Un chef d’œuvre magnifié par les illustrations suggestives de Concejo et les planches naturalistes de l’herbier de rêve de cette illustratrice plasticienne hors norme.
Philippe Geneste