Delessert, Etienne, Comment la souris reçoit une pierre sur la tête et découvre le monde, collection “ l’heure des histoires ”, Gallimard, 2011, 40 p., 4€80
Peu d’auteurs pour la jeunesse ont, comme Delessert, cherché à connaître la pensée enfantine pour y adapter le récit et le dessin. Il est parti de la connaissance dont l’enfant se représente le monde. C’est pourquoi, voulant destiner un ouvrage aux enfants de 5 à 6 ans il a demandé à rencontrer Jean Piaget (9/8/1896 - 16/9/1980), l’auteur de La Représentation du monde chez l’enfant (1926) et de La Causalité physique chez l’enfant (1927). On trouve, ainsi, dans le livre de Delessert des interrogations sur l’ombre de la fleur, sur la formation de la pluie, sur le thème de la lune. Ceci, non pas dans l’optique d’écrire un ouvrage didactique, mais avec la volonté d’alimenter sa création d’adulte par l’imaginaire enfantin tout en respectant ce dernier.
C’est le premier enseignement de ce processus de création du livre : en quoi, le livre pour enfant est-il adapté à l’enfant et en quoi au contraire il est une représentation adulte qui oublie le lectorat enfantin ? Bien des livres tombent dans ce travers (1). Delessert, lui, écrit un ouvrage créatif instruit des processus de cognition des enfants auxquels il s’adresse. Le travail d’adaptation a porté sur le vocabulaire, le choix des expressions, la construction des phrases. Il a porté, aussi, sur le dessin : reconnaissance des animaux, des sentiments transportés par l’illustration. Jean Piaget précise, par exemple, dans sa postface écrite en 1971 : « Les enfants ne sont pas choqués par les disproportions voulues, et ne sont pas effrayés par le dessin de ‘monstres’, sauf si l’adulte insiste sur leur caractère méchant. Ils ne sont pas déroutés par l’intervention de l’imaginaire ou du fantastique, pourvu que, dans une situation surréaliste (2), les éléments soient dessinés de façon nette, claire et évidente ».
Mais un apport essentiel du livre est de révéler une esthétique enfantine, d’en approfondir les contours déjà analysés par les psychologues. D’une part, on remarque la nécessité transcrite d’une adéquation au réel qui passe par la forme enfantine c’est-à-dire par la nécessité d’une médiation humaine déformante, celle des personnages. Pas d’histoire sans personnage. C’est là qu’est une difficulté majeure pour les illustrateurs et auteurs de livres pour les jeunes lecteurs ou auditeurs-lecteurs : éviter l’adulto-centrisme qui est un autre nom du didactisme qui a tant nui à la littérature de jeunesse et que la morale contemporaine tend à voir réapparaître en force. Bien que paru en 1971, l’ouvrage a gardé toute sa fraîcheur pour les jeunes lecteurs et reste une leçon d’écriture pour les créateurs en littérature pour la jeunesse.
Peu d’auteurs pour la jeunesse ont, comme Delessert, cherché à connaître la pensée enfantine pour y adapter le récit et le dessin. Il est parti de la connaissance dont l’enfant se représente le monde. C’est pourquoi, voulant destiner un ouvrage aux enfants de 5 à 6 ans il a demandé à rencontrer Jean Piaget (9/8/1896 - 16/9/1980), l’auteur de La Représentation du monde chez l’enfant (1926) et de La Causalité physique chez l’enfant (1927). On trouve, ainsi, dans le livre de Delessert des interrogations sur l’ombre de la fleur, sur la formation de la pluie, sur le thème de la lune. Ceci, non pas dans l’optique d’écrire un ouvrage didactique, mais avec la volonté d’alimenter sa création d’adulte par l’imaginaire enfantin tout en respectant ce dernier.
C’est le premier enseignement de ce processus de création du livre : en quoi, le livre pour enfant est-il adapté à l’enfant et en quoi au contraire il est une représentation adulte qui oublie le lectorat enfantin ? Bien des livres tombent dans ce travers (1). Delessert, lui, écrit un ouvrage créatif instruit des processus de cognition des enfants auxquels il s’adresse. Le travail d’adaptation a porté sur le vocabulaire, le choix des expressions, la construction des phrases. Il a porté, aussi, sur le dessin : reconnaissance des animaux, des sentiments transportés par l’illustration. Jean Piaget précise, par exemple, dans sa postface écrite en 1971 : « Les enfants ne sont pas choqués par les disproportions voulues, et ne sont pas effrayés par le dessin de ‘monstres’, sauf si l’adulte insiste sur leur caractère méchant. Ils ne sont pas déroutés par l’intervention de l’imaginaire ou du fantastique, pourvu que, dans une situation surréaliste (2), les éléments soient dessinés de façon nette, claire et évidente ».
Mais un apport essentiel du livre est de révéler une esthétique enfantine, d’en approfondir les contours déjà analysés par les psychologues. D’une part, on remarque la nécessité transcrite d’une adéquation au réel qui passe par la forme enfantine c’est-à-dire par la nécessité d’une médiation humaine déformante, celle des personnages. Pas d’histoire sans personnage. C’est là qu’est une difficulté majeure pour les illustrateurs et auteurs de livres pour les jeunes lecteurs ou auditeurs-lecteurs : éviter l’adulto-centrisme qui est un autre nom du didactisme qui a tant nui à la littérature de jeunesse et que la morale contemporaine tend à voir réapparaître en force. Bien que paru en 1971, l’ouvrage a gardé toute sa fraîcheur pour les jeunes lecteurs et reste une leçon d’écriture pour les créateurs en littérature pour la jeunesse.
Philippe Geneste
(1) Telle est la déception ressentie à la lecture de Laetitia Lesaffre, Je Veux un zizi !, Talents Hauts, 2007, 18p. ravagé par le discours psychanalytique pour ( ?) enfant…
(2) Delessert venait d’illustrer trois contes (en 1969, 1970 et 1971) de Ionesco destinés à des enfants de trois ans. En 2009, Gallimard a republié ces contes et un quatrième paru en 1976 : Ionesco, Eugène, Delessert, Etienne, Contes 1.2.3.4. Pour enfants de moins de trois ans, Gallimard jeunesse, 2009, 112 p. 17€